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Blog de Romy
La vie apres le blog
Eva de
Berlin
Jour 23


Auprès de mon arbre

Ce matin là, ce n’était pas dans un bar confortable de Prenzlauerberg que j’avais rendez-vous. Quand je suis descendue du train, Alexander m’attendait sur le quai de la gare de Schönwalde, un petit village au Nord-est de Berlin. Pour choisir où aurait lieu notre interview, le garçon n’a pas hésité une seconde : la forêt entre Schönwalde et Basdorf, qu’il connaît comme sa poche.

Issu d’une famille de médecins, Alexander se destine lui aussi à être docteur… pour les arbres ! A 27 ans, il fait des études pour devenir garde-forestier. Dans une petite ville à côté de Dresde, il s’agit de « la plus vieille université de la forêt du monde », m’explique-t-il fièrement.

En compagnie d’Usara, le chien de ses parents, nous voilà donc partis pour une balade de deux heures en pleine nature. Hêtres, bouleaux, chênes… Alexander s’arrête régulièrement pour me raconter une anecdote sur tel ou tel arbre. Par exemple, s’il y a tellement de pins ici, c’est parce que cet arbre pousse facilement et ne requiert pas beaucoup de soins. Après la seconde guerre mondiale, le bois ayant servi de monnaie de réparation, il fallait reboiser rapidement la région ; le pin était l’arbre idéal à replanter.

Et si l’on aperçoit souvent des rangées d’arbres peu espacés et parfaitement alignés, c’est parce que cette technique oblige les arbres à chercher la lumière du soleil et à ainsi pousser plus vite sans développer beaucoup de branches. Une méthode lucrative et efficace qui ne plaît pas franchement à Alexander. Parce qu’il défend la qualité du sol et la biodiversité d’une part mais aussi parce que son travail est beaucoup plus intéressant quand il passe par des « méthodes naturelles ». De la même façon, s’il chasse, ce n’est pas par plaisir mais dans l’idée d’aider à la régulation naturelle entre la faune et la flore.

Nous arrivons devant le fameux château dont m’avait parlé Alexander au début de la balade. Une ancienne demeure confisquée à son propriétaire juif allemand pendant la Guerre, reprise par l’Etat à l’époque de la RDA et désormais à l’abandon. Alexander sort son thermos, c’est la pause thé. Le garçon se rappelle très bien d’où lui est venue cette passion pour les arbres. Il y a sept ans, une tempête a décimé une trentaine d’arbres dans le jardin de ses parents. Quand un arboriculteur est venu tailler ce qu’il restait, Alexander a eu la révélation. Quelques semaines plus tard, il laissait ses études de Sciences Politiques et s’inscrivait à cette nouvelle formation.

A la fois par passion et pour gagner sa vie, Alexander profite de ses moments libres pour tailler des arbres dans des parcs ou chez des particuliers. Il fait également partie des cinquante « récolteurs de pommes de pins » allemands : il grimpe aux arbres et remplit des sacs de kilos de pommes de pins qu’il vend à des écoles d’horticulture. « Quand elles tombent au sol, les pommes de pin perdent leurs graines. La reproduction n’est alors plus possible ». Chaque été, avec quatre ou cinq amis, Alexander part camper en forêt et passe ainsi ses journées dans les arbres.

A la lisière de la forêt, au bout du chemin, Alexander me montre la maison de ses parents. Avant de m’amener à la gare de Basdorf, il tient à me montrer la Bibliothèque George Brassens. Pendant la Guerre, le fameux sétois avait été déporté dans le camp de la ville. Un bol d’air frais dans les poumons, je monte dans le train direction Berlin avec des airs de guitare dans la tête : « Auprès de mon arbre, je vivais heureux… »