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Blog de Romy
La vie apres le blog
Eva de
Berlin
Jour 16


1984

Felix a 28 ans. Il n’est donc pas né en 1984, mais notre discussion matinale dans un café de Friedrichshain m’a beaucoup fait penser au roman d’Orwell. En tout cas, ma vision de Second Life a radicalement changé depuis que j’ai écouté le point de vue de ce passionné des médias sur la nouvelle génération Internet.

Felix a beau être encore officiellement étudiant, il travaille à temps plein pour Universal. Sa mission ? Etablir de nouveaux concepts de marketing viral pour faire du Web 2.0 une alternative aux supports médias traditionnels. En clair, utiliser les nouvelles possibilités qu’offre Internet comme des supports publicitaires pour les artistes engagés avec Universal. Par exemple, c’est décider d’organiser un concert du pianiste Lang Lang au sein de Second Life. La célèbre major a d’ailleurs été l’une des premières à exister sur ce jeu virtuel révolutionnaire.

En fait, d’après Felix, Second Life n’est pas du tout un jeu. « C’est un média en lui-même, une plateforme de communication. Sur laquelle on peut prendre des cours, téléphoner, acheter… » Et en matière de Second Life, Felix sait de quoi il parle. Cela fait déjà plusieurs années qu’il se penche sur ce phénomène, sujet de son mémoire de fin d’études. A cause de son travail, il a beaucoup de mal à y mettre un terme et ainsi terminer ses études de sciences des médias et de politique.

La question qu’il a décidé de soulever est simple: à quel point les structures du monde réel (rapports entre les sexes, utilisation de l’espace…) se retrouvent-elles dans le monde virtuel ? Felix commence à m’expliquer les grandes lignes qui ressortent de son enquête. Bien qu’il soit en apparence très posé et réfléchi, je sens le garçon bouillonner de curiosité. « Quand ils créent leur personnage, la plupart des gens choisissent de suivre les critères de beauté qui régissent les codes dans le monde réel : la plupart des femmes s’attribuent ainsi cheveux blonds et gros seins. Mais d’autres préfèrent essayer de tracer une image fidèle d’eux-mêmes. » Certains décident au contraire de changer de sexe. Dans ce cas, les hommes vont toujours accentuer ce qu’ils pensent être représentatif de la féminité et inversement. Les clichés sur les différences homme/femme ressortent donc ici de manière flagrante.

Aux nombreux journalistes qui ont essayé une fois Second Life et se sont offusqués de ce qu’ils y ont vu, Felix répond en souriant que cela revient à critiquer la société actuelle. Si la plupart des filles ont exactement le même look ou encore si l’on y trouve de la pédophilie, c’est uniquement parce que nous sommes en face d’un miroir de la réalité. Et dans la vie, on est toujours amené à jouer un ou plusieurs rôles. « C’est comme si les hommes regardaient la terre d’en haut, et s’effrayaient de ce qu’ils y voient. »

Se placer ainsi en analyste, comme un scientifique qui observe des particules à travers son microscope, c’est une véritable passion chez Felix. Avec le célèbre jeu de rôle virtuel Warcraft : Felix s’amuse beaucoup plus à regarder les autres jouer qu’à participer lui-même. Même quand il a travaillé un été chez Mac Donald’s, Felix a adoré. Tous les jours, en même temps qu’il vendait ses hamburgers, il était le spectateur fasciné d’un formidable travail d’organisation.

Pour son travail chez Universal, Felix a dû s’inscrire à une cinquantaine de plateformes de mises en réseau telles que Facebook ou Xing. Cela le fait sourire. Ce qui est pour beaucoup un hobby dans l’ère du temps est donc pour le jeune garçon un sujet sociologique très sérieux ainsi que l’objet de son travail. Du coup, Felix baigne dans la génération Internet tout en ayant un pied à l’extérieur pour mieux pouvoir la regarder. Cette génération, il la définirait comme « un mélange d’enthousiasme et de perte de repères ». Des possibilités infinies qui s’offrent à nous mais qui nous rendent parfois complètement apathiques.

Parce qu’il en connaît trop bien les limites, Felix prend soin de mettre une distance avec le monde de la communication virtuelle. Ainsi, il a choisi de vivre sans téléphone portable. « Je n’ai pas envie d’être tout le temps joignable».

Aujourd’hui, Felix rêve d’enfin finir son mémoire et d’avoir plus de temps à consacrer à ses amis. Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, malgré Facebook et Second Life, Felix a l’impression d’avoir un peu perdu le contact…